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 musique

Des choses

et de leurs rapports

Présentation de huit questions quodlibetiques
de Guillaume d'Ockham, suivies de leur traduction.

III

UN MONDE D'APRÈS LES CHOSES
(début)

La pierre, la création de la pierre, la conservation de la création de la pierre :
le refus de la récursivité.

Revenons sur les doutes 1 et 2 de la première question. Les doutes formulent les argumentations réfutées par l'auteur.

Le doute n° 1 comporte deux exemples, l'un, celui de la pierre, relativement simple, l'autre, celui du feu, que nous avons abordé ci-dessus, plus complexe et déroutant. En ce qui concerne la pierre, deux situations se succèdent : au moment de la création, il y a Dieu, la pierre, et la création. Ensuite, il reste Dieu, la pierre créée, mais plus de création. Trois moins deux égale un : il y a une chose en moins, la création, donc la création est quelque chose. En ce qui concerne le feu, trois situations se succèdent : l°) il y a Dieu, et un feu F1 qui génère un feu F2, 2°) il y a Dieu, le feu F1, et c'est tout, Dieu ayant détruit le feu F2, 3°) il y a Dieu, le feu F1 et le feu F2 derechef, mais cette fois directement recréé par Dieu. Quelle différence, quant au bilan de ce qui existe, entre les situations l°) et 3°) ? Dans la première, Dieu, F1 et F2; dans la troisième, les mêmes « choses ». Il faut donc bien penser qu'il y a quelque chose « en plus » en 3°) qu'en l°), or la seule chose en plus est la création, donc la création serait quelque chose. Le simple fait de penser le rapport entre deux situations nous a fait « produire » une existence séparée supplémentaire.

Le doute n° 2 se limite à l'exemple de la pierre. Dieu, la pierre et sa création étant donnés, la situation pourrait ne pas subsister, par exemple, la pierre pourrait disparaître, donc ne pas être conservée. Si au contraire, la pierre est conservée, comment penser la différence avec le cas où, tout en ayant été créée, elle n'aurait cependant pas été conservée ? Autrement dit qu'y a-t-il de plus qui permette de différencier le moment de la création, comportant Dieu, la pierre et la création, et un moment ultérieur qui aurait pu ne pas avoir lieu ? Le fait précisément que ce qui avait eu lieu a continué à avoir lieu, la conservation. La conservation serait donc quelque chose de plus.

Mais on voit bien alors s'amorcer le processus de cumulation opéré par ce que nous nous proposons d'appeler le véritable réalisme naïf. Car après cela, on peut perpétuer les raffinements que l'on voudra. Par exemple, extrapolant la démarche d'Ockham, car lui entend bien « s'arrêter à la première », si la conservation a conservé en un moment a et qu'ultérieurement et sans discontinuité, elle a conservé en un moment b, la conservation s'est donc conservée du moment de la création jusqu'au moment b en passant pat le moment a. Il faut bien alors en arriver à l'idée qu'il y a une conservation de la conservation, et donc s'interroger sur Inexistence réelle de cette petite chose de petite chose. Il n'y a évidemment pas de limite à la mise en rapport de rapports, et il faudra ensuite s'interroger sur l'existence des rapports de rapports de rapports. Ce n'est pas une absurdité, pas même un passe-temps ludique et subtil pour esprits pervers et futiles et il est légitime que la pensée, dans son effort de ne pas rester aveugle à elle-même, s'interroge sur la récursivité de la mise en rapport. Les travaux de G. Cantor au XIXème siècle procèdent d'un tel effort1, et ont prodigieusement fait avancer la pensée mathématique et la pensée en général. D. Hofstadter montre, dans Gödel, Escher, Bach2, l'importance d'une prise en charge du problème de la récursivité. La philosophie hégélienne relève sans doute, entre autres, de cette légitime interrogation sur le problème du retour à soi du rapport sur le rapport, ce qui amène alors inévitablement à penser la « vraie » réalité du côté du mouvement d'ensemble.

Mais on peut aussi penser qu'il s'agit là d'une vaste illusion, d'une vaste confusion, résultant d'une insuffisance de séparation, prenant son propre mouvement de pensée pour ce qui est. Le travail d'Ockham consiste alors au contraire à résorber soigneusement le rapport dans ce qu'il met en rapport. La création de la pierre emporte qu'elle a existé, et que l'instant d'avant elle n'existait pas. La conservation, qu'elle a existé, et que l'instant d'avant elle existait déjà. La création n'est donc que le premier instant de la conservation. Mais dans tout cela, création ou conservation, il n'y a qu'une pierre qui existe, et son créateur. Il faut renvoyer le rapport à sa vacuité propre, pour en revenir à l'irréductible. Ockham veut couper court, et c'est pourquoi « il faut s'arrêter à la première »3. Il faut donc une cause de la pierre, mais non une cause de cette cause, Dieu n'est pas créé.

Savoir compter : réalisme naïf ou radicalisme ontologique ?

Il y a donc les choses absolues, qui existent de manière séparée, et les rapports entre les choses, qui n'ont pas d'existence réelle propre. La manière d'être des rapports, qui ne consiste pas proprement à être, repose donc sur l'existence incontestée de ces autres choses qui existent réellement que sont les choses « absolues ». La validité toute entière de l'argumentation ockamienne repose alors sur cette question : l'existence réelle et distincte de choses absolues est-elle réellement incontestable ?

On peut aussi bien penser que la chose séparée n'est qu'une abstraction, peut-être une simple séparation institutionnalisée parmi d'autres possibles, ou autres éventualités relativisant l'existence séparée. Qu'est ce qui permet d'affirmer qu'une chose est allie chose ? Et non, comme le suggérera Bergson, une sorte d'arrêt sur image4? Ou au contraire, à la manière dont Ockham appréhendera l'objet technique, comme un agglomérat hétéroclite, assemblé d'une manière hétérogène à la réalité de ses parties5 ? La chose absolue ne serait-elle finalement que le résidu, l'impensé radical de l'entreprise ockhamienne ?

Il ne faut pas mettre, dit-il, trois choses là où deux suffiraient, pas plus n'en faut-il mettre que deux, là où une troisième est nécessaire. Mais il n'est pas nécessairement évident de décider de ce qu'il suffit. Il nous faudra donc poser la question de ce qu'il suffit. Qu'est-ce qui permet de dire qu'une pierre est une pierre, et qu'aurait-elle réellement en plus ou en moins à être deux, comme quand elle est cassée ? On peut certes dire que ce qui la ferait alors être deux, serait une tierce chose, ne serait-ce qu'une épaisseur d'air qui la ou les séparerait. Et si l'on juxtapose de nouveau ensuite les deux morceaux cassés, « sans que rien d'intermédiaire ne soit interposé », a-t-on une ou deux ? Aussi bien, à l'inverse -. celle-ci, comptée pour une, est-elle en droit séparable ce cet autre morceau, plus loin ? Si l'on voit bien en effet, même si c'est de manière problématique, ce qui peut constituer l'unité d'un être vivant, et notamment que la séparation risque, quoique non nécessairement, de lui être néfaste, qu'est-ce donc qui permet de justifier l'unité de la pierre comme faisant une chose ? Hegel parlera alors justement de l'existence de la matière comme ce qui existe en pure extériorité, n'ayant tout au plus qu'une tendance à l'unité à travers la pesanteur6. On pourrait donc dire : Ockham s'illusionne, et concède avec la plus parfaite naïveté le statut d'être séparable à la donnée faussement immédiate d'une chose qui n'est peut-être que cristallisation, éventuellement arbitraire, éventuellement éphémère, en tout cas l'une parmi d'autres possibles, d'un devenir dont la vérité est celle d'un mouvement en réalité indécomposable. Au fond, ne prendrait-on pas par une inversion relevant d'une illusion naturelle, le plus élémentaire pour le plus complexe, et réciproquement, à la manière dont Hegel dit que le plus concret, l'être, est le plus abstrait7 ?

Ockham est-il un réaliste naïf8 ? On peut toujours justifier toute position à partir d'elle-même, et cela ne prouve jamais rien d'autre que le fait que l'on affirme ce que l'on affirme. Au jeu de la dénonciation réciproque des illusions, il ne peut y avoir de vainqueur, ou plutôt chacun l'est pour soi-même, car, comme le dit A. Comte, « chacun n'excepte de l'illusion que sa propre fable »9 . On peut cependant, plutôt que de glisser dans un relativisme indifférencié, ou autre forme de scepticisme, tenter de jouer la rigueur. Alors parler d'une extériorité manifestant une tendance à l'unité par la pesanteur, si l'on veut, mais comment concevoir une extériorité autrement que par le dénombrement, c'est-à-dire en disant : ici, ceci- là, cela. C'est-à-dire : une, deux. Ockham passe son temps à compter, et jamais bien loin, et la manie peut finir par sembler puérile. Là où d'autres jonglent avec l'infini, il ne dépasse que rarement le trois. Mais il fait ainsi le geste élémentaire de reconnaissance, et il ne le noie pas sous un jargon qui de toute façon le présupposerait, mais en l'occultant.

De quoi parlons-nous réellement ? Par épuration, par séparation de ce qui est séparable, on en arrive au constat incontournable qu'il y a des « choses » qui ne peuvent être que sous la condition que d'autres soient, et qui ne subsistent pas indépendamment en cas d'annihilation de celles-ci, que l'on appelle donc des rapports, et qu'il en est d'autres, à l'opposé, dont on peut concevoir Inexistence séparée, on pourrait dire l'existence solitaire, et qu'on appelle des choses absolues. Concevoir est-il le mot juste ? Car au fond, la pensée ne conçoit jamais rien de manière séparée, elle est au contraire et fondamentalement ce qui met en rapport. C'est donc de ce côté qu'il faudra chercher la manière d'« être » des rapports. Si une existence séparée s'impose, cela renvoie à autre chose, de l'ordre de l'intuition, dont il n'est pas explicitement question dans ces extraits10. Compter est un acte qui peut comporter quelque chose d'arbitraire, en tout cas une décision, par exemple celle qui consiste à tenir cette approximation hasardeuse qu on nomme une pierre pour un être réellement un. Mais l'enjeu fondamental est-il de savoir alors s'il y a une ou deux, de différencier un de deux, ou un de zéro11?

Ockham montre bien, dans ses petits décomptes, que le départ d'un constat d'existence., se réfère certes secondairement au fait qu'il existe une, deux ou trois choses, à comptabiliser soigneusement, mais que l'objectif ultime est de différencier l'un du zéro : être ou n'être pas, Plutôt que celui qui veut nous apprendre à reconnaître deux de trois, ou un de deux, il est celui qui veut nous apprendre à reconnaître un de zéro. Nous n'en sommes à un Dieu plus une pierre égalent deux êtres, que pour en arriver à une pierre plus une création moins une pierre égale rien12. Réalisme naïf à vouloir hypostasier en un être réputé absolu, l'abstraction générale de ce que peut être une chose, naïveté donc de croire en la réalité d'une « chose », peut-être, mais la dénonciation d'une naïveté peut en cacher une autre, et la problématisation du découpage au sein de l'étant, sans doute insoupçonnée d'Ockham, ne saurait occulter la question plus radicale de l'alternative de l'être ou ne pas être, insoupçonnée de bien d'autres.

Qu'est-ce qui est "un" : un monde ou une chose ?13

Le monde est-il un, ou à l'opposé pure diversité ? Vieille opposition chez les grecs, qui s'enracine chez les grands précurseurs. L'être, dit Parménide, "n'était ni ne sera, car il est présent maintenant, complètement homogène, un et continu »14. D'un autre côté, peut-être plus complexe, pour autant qu'on puisse en juger, on y opposera la séparation héraclitéenne : « Des choses jetées là au hasard, le plus bel arrangement, ce monde-ci15.

Le monde est-il une chose, ou en est-il plusieurs ? Si l'on admet sérieusement qu'il y ait diverses choses séparées, leur diversité implique ipso facto leur relative incompatibilité, D'où toutes les gymnastiques intellectuelles tendant à résorber cette diversité, tout en prétendant la préserver, les meilleures liquidations étant toujours celles qui prétendent sauver. De cette pierre, par exemple, on peut dire, et que ne dirait-on pas alors du feu, qu'elle n'est dite «une» qu'arbitrairement, car elle n'est rigoureusement que la suite de cet autre morceau là-bas, et ainsi de suite. Mais plus généralement, cette pierre relève d'un processus de génération géologique, etc., et elle ne peut finalement être pierre qu'en étant pierre d'un monde où tout est solidaire. La seule réalité réellement réelle ne peut être alors que celle du tout, au sein duquel tout découpage est au pire arbitraire, au mieux absolutisation par accentuation outrancière d'un relief moins décisif qu'il peut sembler à première vue. Une seule chose est une, de manière indivise, à n'en pas faire plusieurs, c'est le tout. Dieu, l'un, le tout16 : on connaît la fortune de cette triple identification dans l'histoire de la philosophie et des religions.

Mais en opposition à cette vision d'inspiration platonicienne, culminant dans un néoplatonisme comme celui de Plotin, Aristote professait déjà la non univocité de l'être. Radicalement, Ockham conçoit ce qui est un comme la chose séparée : toute l'argumentation des extraits ci-dessous repose sur l'effort de reconnaissance de ce qui est deux, ou de ce qui n'est qu'un, et donc principalement de ce qui n' « est » pas. L'argumentation revient systématiquement sur la possibilité pour Dieu d'annihiler séparément, et donc réciproquement de créer séparément, telle chose qu'il voudra, ce qui exclut donc qu'il y ait un « Un » global qui pourrait alors à volonté être mutilé ou agrémenté de quelque rajout, ce qui rendrait bien évasive la manière d'être de cet hypothétique un. Cela exclut également la possibilité qu'il existe a priori quoique ce soit qui soit une conception d'ensemble englobant la diversité des êtres. Aussi, « (... ) l'ordre et l'unité de l'univers ne sont pas un certain rapport, comme une sorte de lien qui lierait mutuellement les corps ordonnés en un univers»17. C'est pourquoi Ockham pourra évoquer par ailleurs le problème de l'éventuelle pluralité des mondes.

A première vue, l'idée d'une pluralité possible des mondes18 ne semble prendre son sens que dans le cadre d'une conception aristotélicienne d'un monde fini. En effet si le monde est fini, limité par la sphère ultime19, comme Ockham semble l'admettre en conformité avec ce que dit Aristote, notamment dans le Traité du ciel20, on peut bien penser alors qu'il n'est pas impossible qu'il en existe d'autres. Certes il peut y avoir là les motivations psychanalytiques de tous les au delà, les ailleurs, les mondes parallèles, etc., mais l'idée est néanmoins sérieuse, et Aristote entreprendra de la réfuter. On pourrait se dire que le problème ne se pose de toutes façons plus dans une conception moderne d'un univers infini. Notons d'abord que « moderne » renvoie ici pour nous au modèle newtonien, mais que le problème serait tout autre dans le cadre de la physique relativiste, où l'on repose le problème d'un modèle fini. Mais surtout, à bien y réfléchir, dans cette conception ockhamienne des choses singulières séparées, et de relations renvoyant à la pensée, on peut trouver que cette idée d'une pluralité reste très pertinente, y compris au sein d'un univers réputé infini. Un espace unique, fini ou non, peuplé de choses singulières séparables peut bien effectivement constituer des mondes divers...

Par ce « un », selon qu'on le dit d'un monde ou qu'on le dit d'une chose, entend-on tout à fait la même chose? Il ne semble pas que «un» ait le même sens dans les deux occurrences. Dans « un monde », « un » est premier, c'est l'existence de « un » qui emporte celle de monde. Dans « une chose », la chose est première, et de ce qu'elle existe, elle peut être dite « une ». Dans le « un » de la chose, « un » est l'alternative de zéro : la chose est ou n'est pas. Mais dans « un monde », il n'y a pas d'alternative21. « Un » ne peut pas alors renvoyer à zéro. « Un monde » relève d'un « un » d'avant le « cifres »22. Une chose renvoie à sa possible inexistence, et l'on peut donc se mettre à compter, ce qui était autrement une absurdité, à partir de zéro23. Un monde est une croyance métaphysique, un acte de foi en l'Un suprême. Une chose est un constat ontologique, ici et maintenant.

NOTES.

1. La philosophie, et les mathématiques, se sont longtemps contentées d'une conception assez rudimentaire de la notion d'infini. Cantor montre qu'il y a un premier niveau, qui est précisément celui correspondant au niveau des existences séparées, qui constitue l'infini dénombrable ( si l'on ne peut pas finir de compter, on peut toujours commencer), et dont le modèle mathématique est l'ensemble des entiers naturels (1, 2, 3,...). Un second niveau, l'infini indénombrable, correspondant aux nombres réels (on ne peut apparemment plus compter, par exemple on ne peut pas dire quel nombre vient après 0). se révèle être l'ensemble qui est nécessaire pour pouvoir compter les sous-ensembles constitués de nombres entiers. On peut concevoir un troisième niveau, qui serait l'infini permettant de rendre compte des sous-ensembles possibles dans les nombres réels, et ainsi de suite, ce qui constitue très exactement notre problème de rapports de rapports de rapports. Ainsi se trouve constituée la notion de puissances de l'infini, la théorie cantorienne du transfini. Point important à noter: notre expérience sensible dans un espace à trois dimensions, ou quatre en ajoutant le temps, ne « donne » directement rien d'autre que des nombres réels. Cf. G. Cantor, Sur les fondements de la théorie des ensembles transfinis.
2. D. Hofstadter, Gödel Escher Bach, les Brins d'une Guirlande Éternelle. A partir de références très éclectiques, de Zénon d'Élée à K. Gödel en passant par L. Carroll, et, bien sûr M. C. Escher et J. S. Bach, l'auteur propose une réflexion sur la récursivité et la régression ou la cumulation à l'infini.
3. Question 1, ligne 5.
4. Cf. H. Bergson, La pensée et le mouvant, introduction, première partie : « Ce qui est réel, ce ne sont pas les « états », simples instantanés pris par nous, encore une fois, le long du changement-. c'est au contraire le flux, c'est la continuité de transition, c'est le changement lui-même ». Un peu plus loin (V, la perception du changement, deuxième conférence) . « il y a des changements, mais il n'y a pas, sous le changement, de choses qui changent.
5. Cf. Alféri, ibidem, l@ § 9, p. 92) -. « Autrement dit, la technique ne produirait pas de formes nouvelles-, la production ne serait pas une génération, mais un simple mouvement local imposé à Jus formes existantes ». L'auteur expliqué alors la conception ockhamienne du la technique comme montage.
6. Cf. G. W. F. Hegel, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques, 11, philosophie de la nature, B, matière et mouvement, § 262, trad. J. Gibelin : « La pesanteur (... ) c'est la tendance au centre placé en dehors d'elle La pesanteur est en quelque sorte l'aveu du néant de l'extériorité de la matière en son être-pour-soi (...)».
7. L'être, l'immédiat indéterminé, est en réalité Néant, ni plus ni moins que Néant » (G. W. F. Hegel, Science de la logique, Livre premier, première section, chapitre premier, A, trad. S. Jankélévitch).
8. Cf. L. Valcke, Introduction au commentaire sur le livre des prédicables de Porphyre de Guillaume d'Occam, Occam et Porphyre. Se référant notamment à « Metaphysics of Ockham » de P. Boehner, l'auteur reprend l'expression de « réalisme naïf », rappelant au passage la définition de « réalisme » donnée par le Dictionnaire philosophique de Lalande : « Doctrine d'après laquelle la pensée individuelle, dans l'acte de connaissance saisit par une intuition directe le non-moi en tant que distinct de moi ».
9. Catéchisme positiviste, 2° partie, 5° entretien.
10. Cf. P, Alféri, ibidem, "l'intuition a le même objet que l'abstraction, mais le donne comme existant ou non existant", titre donné au § 17 dans la table analytique des matières.
11. Cf. A. Badiou, Le nombre et les nombres. "Qu'est-ce qui fonctionne dans la suite des nombres entiers naturels ? " On peut dire que c'est le sujet qui réplique son acte d'attention, et ce faisant. se réaffirme à chaque pas comme sujet de cet acte. Ce serait la fonction du sujet, même si méconnue, qui opérerait alors. Le nombre père de tous les nombres est donc en ce cas le un, comme il sera réalisé dans l'axiomatique de Péano. A cette conception, pour laquelle il se réfère à J. Miller, La suture, in Cahiers pour l'analyse n°1, l'auteur oppose alors, un se référant à Frege, une conception du nombre partant du zéro.
12. Rappelons que le "zéro", inconnu entre autres des grecs et des romains, est arrivé en occident en provenance des mathématiques hindoues, par l'intermédiaire des mathématiciens arabes. Le «  Livre de l'addition et de la  soustraction d'après le calcul des indiens" d'Al-Kharizni (IXème siècle), et utilisant un petit cercle faisant office de zéro, possède une version latine du XIIIème siècle. Mais l'«al-jabr » ne fait vraiment son apparition en Europe qu'au XIème  siècle (source : A. Dalian-Dalmedico et J. Peiffer, Une histoire des mathématiques). Ainsi Robert, Dictionnaire historique de la langue française, situe vers 1314 l'introduction en français de "cifres" provenant de l'arabe "sifr" et signifiant vide, zéro. Le latin médiéval dira alors "citra". La déviation du sens vers la signification actuelle de "chiffre" ne nécessitera au XVème la réintroduction d'un autre terme " zéro", ayant cependant la même origine, via l'italien. Le zéro est bien un problème contemporain d'Ockham.
13. Duns Scot était foncièrement hostile a l'idée d'un monde fait de choses singulières : " Si la réalité ne comptait que des choses singulières. il n'y aurait d'unité réelle que l'unité numérique qui est propre au singulier. Le conséquent de cette inférence est faux, pour six raisons", et notamment, " troisièmement, il n'y aurait plus de ressemblance réelle (...)" (Quaestiones sublissimae in Metaphysicam,  trad. A. de Libera).
14."oude hn oud estai epei nun estih omou pan, en, suneceV" (Le poème de Parménide, fragment 8, in Les deux chemins de Parménide, trad. N.L. Cordero).
15. "eikh kecumenov o kallistoV o kosmoV"  (J. Bollack et H. Wismann, Héraclite ou la séparation, fragment 124).
16. Cf. Plotin(205-270),Ennéades (III, 8, 30, trad. E. Bréhier) : « L'un n'est donc aucun des êtres, et il est antérieur à tous !es êtres ». Un peu plus loin : « tout être se ramène à l'un qui lui est antérieur (...)».
17. Question 8, lignes 475-476.
18. Cf. P. Alféri, ibidem, I § 14, « il peut y avoir plusieurs mondes », l'auteur précisant en outre le rôle historique de la question.
19. Cf. question 6, ligne 335 et la note du traducteur.
20. Cf. Aristote, Traité du ciel (1, 9, 279 a, trad. S. et M. Dayan) -. « Je conclus qu'il n'y a pas maintenant et qu'il n'y a jamais eu plusieurs cieux, mais le ciel qui nous entoure est un, seul et complet ». Aristote donne ses raisons théoriques, que nous ne reproduisons pas ici. Mais que l'on répugne à accepter l'idée d'une pluralité des mondes relève d'un schéma assez simple, autour de cette forme très symbolique qu'est la sphère. Celle-ci est le symbole par excellence de la perfection : lieu des points équidistants à un centre, rien ne dépasse, seul corps susceptible de se mouvoir sans changer son lieu, en tournant sur lui-même, et sans doute aussi le fait qu'elle soit la forme la plus compacte, c'est-à-dire celle dont le rapport surface/volume est le plus faible. Comment concevoir une perfection en plusieurs exemplaires ? La présence d'une seconds attesterait par son existence même l'insuffisance de la première. Une perfection doit suffire. Perfection et un sont solidaires. Le monothéisme se fonde sur cette pensée.
21. Que l'on s'interroge à son endroit emporte son existence de fait. Entre autres : « La conscience simple, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence, prouve l'existence des objets dans l'espace et hors de moi » (E. Kant, Critique de la raison pure, trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, p. 205).
22. Cf. note 3, page 24.
23. Selon A. Badiou, Le nombre et les nombres, la volonté de fonder les nombres entiers naturels à partir de "un" procède d'une volonté métaphysique : "(...) il est vrai qu'à garder trace des droits de l'Un, on suppose le Tout, car le Tout est ce qui nécessairement procède de l'Un, dès lors que l'un est".

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